Retour 16 août 2022

Sur la route de l’exil : du Congo à la Suisse en passant par l’Ukraine

Armando est ce que les médias appellent un «réfugié ukrainien de pays tiers». Cela signifie qu’il résidait en Ukraine mais est originaire d’un autre pays, en l’occurrence le Congo. Récit de son exil forcé et de son nouveau départ à Genève.

Armando à Genève
Armando à Genève


L'exil

Le 26 février dernier, deux jours après le début de la guerre, les bombardements font rage. Armando et son frère Neva* décident de quitter l’Ukraine. Mais sortir du pays s’avère encore plus difficile qu’escompté. Ils prévoient de rouler de Kiev à Lviv (en français : Léopol) qui se trouve à plus de 500 kilomètres. A une centaine de kilomètres de leur destination, impossible d’avancer tant les voitures sont nombreuses. Ils décident d’abandonner leur véhicule sur la route et de progresser à pied. Il leur faudra près de 7h pour atteindre au pas de course Lviv, qui se trouve à la frontière avec la Pologne. Avec d’autres - «C’étaient des personnes non blanches comme nous» -, ils sont alors mis de côté par les soldats ukrainiens. Armando proteste mais un des militaires le menace : « Si tu continues, tu vas rentrer à Kiev ». Au bout de longues heures, son frère et lui réussissent finalement à se frayer un chemin jusqu’en Pologne mais sont mis dans des bus différents. Celui d’Armando prend la direction de Varsovie. Là-bas, ne parvenant pas à retrouver son frère ni à le joindre par téléphone, Armando saute dans un train pour Berlin : «Personne ne voulait rester en Pologne. C’était seulement la première étape pour sortir d’Ukraine et la plupart des réfugiés partaient pour l’Allemagne.» A Berlin, il écrit à un ami de son frère et obtient enfin des nouvelles ; Neva est encore en Pologne. Après une longue semaine d’attente, il parviendra lui aussi à rejoindre l’Europe de l’Ouest.

De Berlin, Armando reprend un train, cette fois-ci pour la Suisse : «J’étais à la gare et j’ai vu un panneau qui indiquait Genève. Je ne connaissais pas du tout la ville mais je savais qu’on y parlait le français. Je me suis dit que ce serait plus simple de recommencer à zéro dans un endroit dont je maîtrise déjà la langue. Quand je suis arrivé en Ukraine en 2011, il m’a fallu quelques années pour apprendre l’ukrainien et le russe.»

Le chemin parcouru par Armando
Le chemin parcouru par Armando entre l’Ukraine et la Pologne


Une semaine s’est écoulée entre le départ d’Armando de Kiev et son arrivée à Genève. Avant de se pencher avec lui sur ses perspectives d’avenir, on rembobine jusqu’en 2011 lors de son installation à Odessa.

L’Ukraine

En septembre 2011, Armando quitte le Congo pour Odessa, dans le sud de l’Ukraine. Il y est admis en tant que réfugié. Armando y mène une vie bien remplie : il apprend l’ukrainien et le russe, évolue en tant que footballeur professionnel au sein du FC Odessa et trouve même le temps de faire de la musique. En 2018, il déménage à Kiev et décide alors de concentrer son énergie sur ses études en sociologie et informatique et son activité musicale. Il peaufine ses textes en slam ou sur des rythmes r’n’b. Chantant en français mais aussi en ukrainien et en russe, il acquiert rapidement une notoriété. Tout s’arrête fin février ; il faut repartir et recommencer ailleurs. Ce sera en Suisse.

Un poète dans la ville

Armando pose sa valise au bout du lac en mars 2022. Il obtient son permis S au bout d’un mois et demi. «C’est une grâce d’être à Genève» déclare-t-il le regard grave. Avant d’ajouter : «J’apprécie l’accueil, la bienveillance et surtout le sourire des gens ici».

Débrouillard, Armando se constitue rapidement un réseau dont le noyau principal est Arun : «Je l’ai rencontré aux HUG où je suis allé pour une consultation. Arun est médecin mais c’est aussi le batteur du groupe Madame Skedja. On a sympathisé et c’est maintenant un grand ami. On passe souvent des moments ensemble et il m’a présenté à tout son entourage.»

Armando à la Fête de la musique
Armando à la Fête de la Musique


C’est d’ailleurs par Arun qu’Armando fait la connaissance de Jean-Loup qui est programmateur. «Le samedi matin de la Fête de la Musique, Jean-Loup m’a appelé, et le soir je me produisais sur la scène des Bastions. C’était super d’y jouer. Les gens étaient chauds !» sourit Armando.

Le jeune homme - que d'aucuns surnomment poète Muntu - est tourné vers l’avenir : «Je me suis inscrit à l’Uni de Genève en sciences politiques et  relations internationales. Je commence en septembre. En attendant, je prépare notamment un concert à la Bretelle pour la rentrée et j’écris des chansons. J’ai hâte de vous présenter Nuit céleste et Le poète est dans la ville !»

Pour découvrir la musique d’Armando, consultez son compte instagram : balacosta_armando

*prénom d'emprunt

Armando