Retour 4 mars 2024

Sur les pas de Mustafa Ali et Burcak : deux requérants d’asile fraîchement arrivés à Genève

Dès aujourd’hui et dans les prochains mois, nous suivrons le parcours d’intégration de Mustafa Ali et de Burcak. Tous deux ont été attribués par la Confédération au canton de Genève. Ils sont considérés comme des primo-arrivants, mais qu’entend-on par-là ? Un primo-arrivant est une personne issue du domaine de l’asile qui vient tout juste de poser ses valises dans notre canton. Afin de prendre leurs marques dans une ville qui leur est inconnue, Mustafa Ali et Burcak suivront plusieurs ateliers thématiques élaborés et animés par l’unité actions pour l’information, la prévention et l’intégration (AIPI) de notre institution.

 

De gauche à droite : Burcak, Kasim et Mustafa Ali
De gauche à droite : Burcak, Kasim et Mustafa Ali


En cette après-midi de Saint-Valentin, Muska, coordinatrice de l’AIPI, nous a donné rendez-vous au centre administratif du Bouchet. Au programme : le premier des 7 ateliers d’intégration destinés aux personnes primo-arrivantes. Il est sobrement intitulé «Découverte de Genève».

Les participant-es se présentent dès 13h30. Muska les accueille un par un et les informe qu’ils peuvent se servir gratuitement une boisson chaude et grignoter quelques biscuits dans la salle d’attente. Une petite attention qui fait toute la différence. Plusieurs ex-pairs* et des coachs communautaires** sont également présents pour assurer la traduction.

*Ex-pair : personne accompagnée par notre institution qui a un bon niveau de français et fait office de traductrice pour les personnes issues de la même communauté ou d’une zone linguistique donnée. Elle effectue ce travail de traduction dans le cadre d’une mesure appelée «activité de réinsertion» et reçoit une petite rémunération en retour.

**Coach communautaire : les coachs communautaires sont souvent – mais pas nécessairement – d’anciens ex-pairs. Ils possèdent un excellent niveau de français: une partie d'entre eux animent seuls certains ateliers lorsqu’il s’agit d’un groupe de participant-es parlant la même langue. Ils sont engagés par la Croix-Rouge.
 

Dans la salle d'attente


En attendant le début de l’atelier, je fais connaissance avec Mustafa Ali. Il photographie une plante fleurie. Il m’explique dans un anglais hésitant qu’il trouve la fleur jolie et a envoyé la photo à son épouse – restée en Turquie – pour la Saint-Valentin.
C’est grâce à Kasim, ex-pair pour les langues turque et kurde, que je rencontre ensuite Burcak. Kasim m’impressionne d’emblée par sa chaleur humaine. «Sans les ex-pairs et les coachs, impossible d’établir le lien aussi rapidement avec les primo-arrivants» souligne Muska. «Une de leur plus-value, c’est leur propre expérience en tant que bénéficiaires. Ils connaissent la situation des primo-arrivants parce qu’ils l’ont eux-mêmes vécue. Ils les accueillent dans leur langue d’origine et cela leur permet de se sentir moins déboussolés.»

14 heures sonnent. Nous nous dirigeons vers une des salles de réunion pour la partie théorique de l’atelier. Muska nous explique les particularités du système genevois dans ses grandes lignes: administration, permis de séjour, ouverture d’un compte postal, abonnement TPG, assurance-maladie. Toutes ces thématiques essentielles seront approfondies lors des ateliers suivants ou durant les entretiens individuels avec des travailleurs sociaux.

 

Durant la partie théorique de l'atelier


Mais il y a beaucoup d’éléments à assimiler et, pour l’heure, Muska veille à parler lentement, à être concise et à faire des pauses régulières afin que les ex-pairs aient le temps de traduire. Kasim et Aman – ex-pair pour le tigrigna – sont rodés. La salle résonne de leurs voix. De leur côté, les participants sont attentifs et n’hésitent pas à poser des questions. 

Tout à coup, la porte s’ouvre. Une des collègues de Muska passe la tête dans l’embrasure pour l’informer que la fille d’une des participantes est agitée et que le père – qui est avec elle en salle d’attente – ne parvient pas à la consoler. La jeune mère sort chercher sa fille et revient avec elle. «Cela se produit souvent» me confie Muska. «Comme les participants viennent d’arriver à Genève, ils n’ont pas encore eu le temps d’entreprendre les démarches pour scolariser leurs enfants ou trouver une solution de garde.»

A la fin de la partie théorique, qui dure entre 1h et 1h30 selon le nombre de participants et de questions, nous nous retrouvons pour une pause-café bien méritée. Puis il est déjà temps de prendre le bus direction le centre-ville à la découverte des lieux que les primo-arrivants seront amenés à fréquenter.

Premier arrêt : le bureau TPG de la gare Cornavin. La visite se fait au pas de course. Nous reprenons ensuite les transports en commun pour nous rendre au Programme santé migrants (PSM) des HUG, à la Maternité, aux urgences pédiatriques et à la nouvelle Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA) puis à l’une des pharmacies appartenant au réseau Pharmasile* ; nous nous arrêtons ensuite devant une épicerie Caritas et nous terminons la visite au centre de la Roseraie qui propose des activités gratuites aux personnes issues de la migration.

*Les pharmacies du groupe PharmAsile, au nombre de 30, ont pour mission de délivrer aux bénéficiaires issus de la migration pour l'Hospice général les prescriptions établies par les médecins du réseau ou les spécialistes qui interviennent sous leur délégation.

Les trajets en bus et à pied sont l’occasion pour moi de discuter davantage avec Mustafa Ali et Burcak. Portraits.

 

Mustafa Ali


Mustafa Ali
Arrivé à Genève le 7 février, Mustafa Ali est originaire de Turquie. Il est d’abord passé par le centre fédéral d’Alstätten à l’autre bout de la Suisse, avant d’être attribué à Genève. A bientôt 56 ans, il semble déjà avoir vécu plusieurs vies. Il a enseigné la langue et la littérature turques dans de nombreuses villes du pays et même en Roumanie. Opposé au gouvernement turc, il avait prévu de partir en 2019 mais a été emprisonné durant cinq ans. «J’ai rencontré de nombreux obstacles dans ma vie, mais je les ai toujours surmontés. Quand j’enseignais en Roumanie, j’ai appris la langue en deux ans. Maintenant que je suis à Genève, je vais tout faire pour apprendre le français rapidement. J’aimerais aussi continuer à enseigner, mais je ne sais pas si les gens seront intéressés.» m’explique-t-il grâce à l’entremise de Kasim. Il conclut : «Je me sens en sécurité depuis que je suis en Suisse. Ici, je me sens à nouveau comme un être humain.»

 

Burcak


Burcak
Burcak, quant à elle, appartient à la minorité kurde. Arrivée le 8 février à Genève, elle vivait auparavant à Istanbul, et est partie pour des raisons politiques. 
La jeune femme – elle vient de fêter ses 26 ans – a choisi la Suisse parce que son frère a lui-même trouvé refuge dans le canton de Schwytz. «Ici, c’est étrange, j’ai l’impression d’être une touriste. Quand je sors, je me perds. Mais je suis heureuse d’être à Genève. Ici, je me sens libre.» déclare-t-elle d’un air grave. La jeune femme arbore déjà les pin’s violets de la Grève féministe (14 juin) sur son sac en toile. «En tant que Kurde, elle était et est très active pour la défense des droits humains, et en particulier ceux des femmes.» me traduit Kasim. Burcak poursuit : « J’aimerais pouvoir rester ici. Apprendre le français d’abord. Puis trouver un travail, un métier au contact des enfants ou alors entamer des études pédagogiques ou sociales. » Lukman – ex-pair d’origine iranienne qui se trouve à côté d’elle dans le bus – rebondit : «Je suis en deuxième année à la HETS. Si tu veux, je pourrai t’aider dans tes démarches.»

Rendez-vous mi-avril pour la suite du parcours d’intégration de Mustafa Ali et Burcak !

Burcak, Kasim et Mustafa Ali à la découverte de Genève
Kasim et Lukman dans le bus qui les emmène aux HUG
Devant l'Ifage