« Ça tourne ! » : retour sur un atelier de réalisation proposé à des résidents du centre d’hébergement collectif (CHC) Augustins
En ce vendredi 28 février, une véritable petite équipe de tournage s’affaire sous un soleil radieux au Parc des Bastions. Il y a Noa Roquet, réalisatrice et monteuse, diplômée de la HEAD Genève. C’est elle qui a animé l’atelier de réalisation* proposé tout au long de la semaine de vacances aux résidents du CHC Augustins. Il y a trois requérants mineurs non accompagnés, Askadirou, Asif et Haroon ; une comédienne, Mafalda, recrutée pour le tournage ; Corentin, un réalisateur qui prête main forte ; Irène, une traductrice, et enfin Mathias, éducateur spécialisé. C’est lui, son collègue Wa ainsi que toute l’équipe éducative du CHC qui accompagnent les jeunes dans ce projet.
Noa, comment s’est déroulé cet atelier ?
Noa : « La semaine s’est très bien passée, cela a été très intense ! Trois jeunes ont participé à l’intégralité de l’atelier. Quatre autres sont venus ponctuellement en fonction de leurs possibilités. Les trois qui ont été très assidus ont chacun occupé une place bien spécifique dans l’équipe et cela, avec beaucoup de compétence. Askadirou aime jouer, il a un vrai talent ; Asif a plutôt des compétences d’organisation et de mise en scène. Quant à Haroon, c’est la technique qu’il apprécie. »
Mais comment tout cela a-t-il commencé ?
Noa : « Je suis venue présenter le projet au cours de deux réunions préalables. Il y avait une dizaine de jeunes intéressés. Pour moi, tout était ouvert. Je leur avais parlé des différentes possibilités qui s’offraient à eux : la réalisation d’un clip, d’une fiction, d’un documentaire, d’une interview, etc. Ils ont d’abord opté pour le documentaire, mais ils n’avaient pas une notion très précise de ce genre et au fur et à mesure des discussions, le projet a évolué vers la fiction. Ils ont décidé de tourner dans le Parc des Bastions, ce qui est génial, car c’est un espace ouvert qui permet d’incorporer les récits proposés par chacun et de croiser les histoires. »
Quels étaient les objectifs de l’atelier ?
Noa : « Il y a bien sûr la pratique du français, qui est un élément majeur dans le processus d’intégration mais, à mes yeux, ce n’est pas l’objectif premier. Un atelier de ce type permet de valoriser les participants et d’accroître la confiance en soi. C’est aussi un espace d’expression. Je leur propose de s’exprimer en français, mais aussi dans leur langue maternelle car ils peuvent ainsi dire ce qu’ils ont à dire avec toute la subtilité nécessaire. Les trois jeunes présents aujourd’hui sont vraiment impressionnants et j’ai envie de leur dire : « Continuez ! »
Dans votre brève carrière, vous avez souvent traité des thèmes liés à la migration. D’où vous vient cet intérêt ?
Noa : « Cela remonte sans doute à mon enfance. Dans ma classe, il y avait en effet beaucoup de migrants et les difficultés qu’ils rencontraient me révoltaient. J’ai tourné mon premier documentaire au Kosovo sur une mère et sa fille de retour dans leur pays d’origine après 8 ans d’absence. La fille était une de mes camarades de classe, arrivée en France à l’âge de 7 ans. Lors de mes études à Strasbourg, j’ai fait beaucoup de bénévolat au sein des associations en charge de la défense des intérêts des migrants. »
Et vous**, Haroon et Asif, est-ce votre première expérience en matière de réalisation ? Souhaiteriez-vous poursuivre dans cette voie ?
Haroon : « Oui, c’est ma première expérience. Cette activité me plaît beaucoup, mais je dois avant tout me concentrer sur l’apprentissage du français. »
Asif : « En Turquie, j’ai été figurant. Je rêve de faire une école de cinéma en France mais pour l’instant, je n’ai pas les papiers nécessaires. »
Mathias, dans quel cadre s’inscrit cet atelier de réalisation ?
Mathias : « Il s’inscrit dans un projet plus vaste d’ateliers artistiques ayant pour objectif de permettre aux jeunes d’expérimenter différentes disciplines artistiques (vidéo, photo, podcast, musique, danse et arts visuels). Notre volonté est de leur offrir par ce biais un espace d’expression par l’art et la créativité. Nous avons ensuite envie d’organiser un festival au cours duquel les travaux réalisés par les jeunes seraient présentés.
Quel regard portes-tu sur le déroulement de cette semaine ?
Mathias : « Je suis impressionné par la capacité de ces jeunes de faire des propositions et d’acquérir de nouvelles compétences en si peu de temps. Tout se fait avec fluidité. Je n’ai par exemple jamais eu besoin de leur demander de ranger le matériel. Alors qu’Haroon s’exprime encore peu en français, je l’entends dire haut et fort : Ça tourne ! » ou « C’est bon ! ». Finalement, je ne sers qu’à porter le matériel [rires], mais quel plaisir et quel enthousiasme je ressens de les voir si intéressés et impliqués. »
Interviews réalisées le 28 février 2025
* Cet atelier est un module faisant partie des Ateliers de création citoyenne qui proposent des ateliers artistiques dans des espaces accueillant un public fragilisé par la différence. Ces ateliers visent à favoriser la création de liens entre les individus, encourageant ainsi l'inclusion sociale et la diversité. En offrant un cadre artistique, l'association permet aux participants d'exprimer leur créativité tout en renforçant le tissu social local.
**Ndlr : Très concentré sur son rôle, Askadirou n'a pas pu être interviewé.
Photos : Bao On
Photo 1 : Askadirou
Photo 2 : Haroon et Mathias
Photo 3 : Asif et Noa
Photo 4 : Noa et Mathias